Laïcité en terre orthodoxe

Une réflexion de Nicolas Kazarian,

© D. R.

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archiprêtre de la Métropole grecque orthodoxe de France, enseignant à l’Institut Saint-Serge et à l’Institut Catholique de Paris, chercheur associé à l’IRIS.

Comment dire le rapport entre religion et politique dans les pays de tradition orthodoxe, voire où des populations orthodoxes sont démographiquement représentées ? il faut avant tout comprendre ce dont la laïcité est le mot, à savoir la progressive sortie du religieux de l’État, de la société, voire de la religion elle-même. D’aucuns appellent ce phénomène « sécularisation », mais plutôt qu’une rupture, comme ce fut le cas dans l’expérience française, l’expérience orthodoxe relève davantage de l’esprit de soumission, dans lequel s’entremêle nationalisme, clientélisme, mais paradoxalement aussi résistance jusqu’au martyre et renouveau spirituel.

L’orthodoxie, ferment d’identité nationale

Avec l’apparition des idéaux nationalistes au 19e siècle dans les pays de l’Empire Ottoman d’alors, l’orthodoxie, de simple marqueur communautaire deviendra la colonne vertébrale d’identités nationales revendiquant le droit à l’autodétermination. L’histoire de la Grèce est ainsi symptomatique d’un tel processus : son aspiration à l’indépendance fut nourrie par par le récit d’un mythe national revendiquant la concomitance d’un territoire, d’un État et d’une religion.
La fusion ou synthèse entre le religieux et le politique que connaissent certains pays traditionnellement orthodoxes s’incarne selon des modèles différents. Certaines Églises sont assimilées à l’architecture de l’État, comme en Grèce où l’appartenance à l’orthodoxie est présente jusque dans la lettre de la Constitution de 1975. On parle d’ailleurs, dans ce cas précis, de religion d’État. D’autres, comme en Bulgarie, reconnaissent à l’Église orthodoxe le statut « d’Église traditionnelle », bien que l’État établisse une séparation d’avec le religieux.

Les chrétiens d’Orient, minorité religieuse

La réalité du contexte post-ottoman et à majorité musulmane se prolonge dans un fonctionnement multi-communautaire qui atteint son paroxysme dans le système de représentation communautaire au Liban. La réalité minoritaire de ces communautés chrétiennes s’accompagne souvent, du fait de son hétérogénéité ethno-religieuse, d’une limitation de ses droits, comme c’est le cas pour le Patriarcat œcuménique en Turquie

non contente de faire valoir, notamment sur le plan international, les revendications politiques de certains États, souvent liées à des enjeux symboliques et de pouvoir, l’Église orthodoxe entend peser sur le débat public et sociétal en faisant valoir le poids de sa légitimité morale.
L’exemple russe : la laïcité vécue comme « symphonie » ?

La fin de la période communiste dans les pays de l’Orient européen s’est accompagnée d’une formidable montée en puissance de la religiosité des fidèles orthodoxes. La foi ne s’est pas uniquement substituée idéologiquement aux forces structurantes d’une société en quête d’un nouveau centre de gravité. Agissant comme un puissant ferment d’identité collective, elle constitue aussi un levier déterminant pour les acteurs politiques. Ainsi, l’influence croissante de l’Église orthodoxe russe s’accompagne d’un message paradoxal dans ses relations avec l’État : même si la Russie reconnaît constitutionnellement une séparation stricte avec le religieux, elle accorde une place particulière à l’orthodoxie. Cette position est définie par le Patriarcat de Moscou à partir du concept byzantin de « symphonie ». Dans ses Fondements de la doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe, la symphonie est décrite comme suivante : « L’ensemble des principes (des relations Église-État) a reçu l’appellation de « symphonie de l’Église et de l’État ». Elle consiste en une collaboration réciproque, un soutien et une responsabilité mutuels, sans intrusion d’une des parties dans la sphère de compétence propre à l’autre. » Mais derrière les lettres du droit et les exposés d’intention en faveur d’une séparation effective, se cache une réalité beaucoup plus contrastée, pour ne pas dire complexe….

Fondamentalisme et orthodoxie politique

Dans un court article sur « le fondamentalisme orthodoxe », George Demacopoulos, professeur à l’université Fordham (États-Unis), s’en prend à l’extrémisme de certains orthodoxes qui veulent « fossiliser » la Tradition. Il écrit notamment que : « La lecture fondamentaliste des Pères et de la Bible ne mènent pas à Dieu, mais à l’idolâtrie. » Or ce phénomène n’est pas uniquement observable dans le champ théologique, voire liturgique, mais il est aussi une réalité croissante dans le rapport au politique. Aussi, non contente de faire valoir, notamment sur le plan international, les revendications politiques de certains États, souvent liées à des enjeux symboliques et de pouvoir, l’Église orthodoxe entend peser sur le débat public et sociétal en faisant valoir le poids de sa légitimité morale. Mais cette divinisation du fait social marque paradoxalement l’ultime étape d’une sécularisation avancée du religieux. Aussi, redécouvrir la nature « sacramentelle » du monde, au sens du Père Alexandre Schmemann, ne signifie pas la soumission aux institutions du sacré, mais la métamorphose de n’importe quel contexte politico-sociétal en condition de salut. Telle est, sans trop s’y tromper, l’exégèse possible de l’expression de la Lettre à Diognète : « Être dans le monde, sans être du monde ».

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Une réflexion sur “Laïcité en terre orthodoxe

  1. Olivier Jean dit :

    Ce texte dans sa construction et dans sont contenue n est que sophisme .Le fait qu il soit écrit par l archiprêtre orthodoxe Nicola me laisse interogatife .

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